«Tu ne comprends pas, Max», – dit tristement Ande :
«Je pars pour toujours, et en général tout le monde part toujours pour toujours …
Il est impossible de revenir, c’est quelqu’un d’autre revient toujours à notre place,
mais personne ne comprend cela …»
Max Frei «Le Côté obscur»
Si vous lisez cet article, vous aimeriez sans doute voyager, ou peut-être vivre dans un autre pays. Probablement, avez-vous déjà imaginé la réponse à cette question plus d’une fois :
Et si je pars… comment ma vie va-t-elle transformer ?
Comment vais-je changer ?
Peut-être avez-vous déjà choisi la destination de vos rêves et vos valises sont prêtes pour partir à l’aventure. Ou peut-être vous êtes juste en train de vous préparer… Dans tous les cas, cet article pourrait vous donner la réponse recherchée …
Bonjour, j’appelle Oxana. Je viens de Sibérie et ça fait déjà plus que 10 ans je vis en France. Dans cet article, je veux partager avec vous les trois étapes par lesquels nous passons lorsque nous partons pour un autre pays. Comment cela nous transforme. Bien sûr, chacun de nous a sa propre expérience, sa propre vision. Pour certaines, c’est positif, pour d’autres pas trop. Ça dépend beaucoup de notre préparation, de nos conditions matérielles, de notre personnalité.
Si vous avez d’autres étapes à ajouter, n’hésitez pas à laisser des commentaires et à partager votre expérience.
Prêts à démarrer ? Prenez votre place… Le voyage commence…
1. LES LUNETTES ROSES
Lorsque nous arrivons dans un autre pays, nous sommes en mode de découverte. Tout nous semble inhabituel, intéressant, nouveau… nous sommes submergés par des émotions positives, d’euphorie. Nous regardons autour de nous les yeux grands ouverts et nous sommes comme des enfants, voulons tout voir, tout essayer. C’est une période de «lune de miel» avec une culture différente, une période de lunettes roses. Nous visitons tout ce qui est accessible, prenons des photos à chaque coin de rue, gouttons différents plats dans les restaurants, nous sommes heureux d’être là.
2. LE PARCOURS DU GUERRIER
Si nous restons un peu plus longtemps dans un pays étranger, nous commençons à remarquer plus de détails et au bout de moment, il devient nécessaire de résoudre divers problèmes : administratives, domestiques, médicaux, etc. Et là, le parcours du guerrier commence… les lunettes roses s’éclatent en milliers petits morceaux, et nous nous retrouvons face à face avec la réalité.
Pour décrire la condition d’une personne qui venait de s’installer dans un autre pays, l’anthropologue américain Kalervo Oberg a introduit la définition de «choc culturel».
«Le fait est que l’émigration est un changement radical de tout : langue, culture, comportement, histoire, géographie, cercle d’amis, souvent une profession ».
En se trouvant dans des conditions complètement nouvelles pour lui-même, une personne ressent un conflit entre les anciennes et les nouvelles normes culturelles.
En plus, de ces transformations radicales, nous commençons à plonger dans des difficultés quotidiennes.
Toutes les questions deviennent compliquées, car très peu d’entre nous sont capables de maîtriser à ce moment la langue à la perfection. Tout est inhabituel, pas comme dans notre patrie. Cette période est accompagnée d’un manque de compréhension de quoi et comment faire. Des questions qui semblaient simples et banales dans notre pays natal deviennent extrêmement compliquées. Méconnaissance des choses les plus élémentaires devient un facteur extrêmement irritant et augmente le stress déjà considérable. De nombreuses difficultés nous font souvent sentir impuissants, perdus.
Et même, si nous sommes optimistes, la situation peut parfois sembler insupportable.
L’une des plus grandes difficultés à ce moment est d’expliquer ce dont nous avons besoin exactement. Et là, nous sommes confrontés à l’impatience des autres. Ils n’ont pas forcément le temps ni l’envie de nous consacrer afin de comprendre ce que nous tentons de leur dire. Bien sûr, il y a des exceptions, mais elles sont plutôt rares.
Pour moi personnellement, le problème est encore plus compliqué. Il m’a toujours été difficile de m’exprimer clairement. Et depuis que je suis en France, j’ai dû faire en plus des efforts supplémentaires, afin que le sens de mes mots ne soit pas transformé de manière complètement inappropriée. Je me suis habitué de dire franchement ce que je pense et parmi mon entourage cela a toujours été perçu favorablement. Mais ici, ce trait de mon caractère est tourné contre moi. Donc avec le temps je suis devenu de moins en moins sociable. Paradoxalement, la fameuse «liberté d’expression» en France a ces limites…
Un jour, j’ai demandé directement : «Que passe-t-il ? Qu’est-ce que je fais de mal ?» La réponse a été choquante : «C’est parce que tu te permets d’avoir ta propre opinion sur tout !» Mais WHAT… ?
Je ne sais pas comme pour les autres, mais je me suis fixé comme objectif d’apprendre la langue du mieux possible, afin de me sentir encore plus à l’aise d’exprimer ce que je pense, ce que je ressens, quand j’ai envie et surtout quand je me trouve parmi des personnes qui estiment (j’ignore pour quelles raisons) que je n’ai pas le droit d’avoir ma propre opinion.
3. ADAPTATION
Pensiez-vous que ce serait difficile ? Vous aviez tort ! Parce que ce sera extrêmement difficile…
Lorsque nous déménageons, nous perdons presque tout, y compris notre environnement familier et notre statut social. Les choses matérielles n’ont pas autant d’importance. Tout ce dont nous avons vraiment besoin, rentre dans une seule valise. Mais il y a certaines choses qui ne peuvent pas être remplacées. Ce qui m’a le plus manqué, ce de faire des randonnées de la folie avec mes amis et chanter autour du feu de camp. C’est une ambiance très spéciale. Le lâcher-prise total et la confiance. La sécurité au milieu de la forêt sauvage. Lorsque nous sommes entourés d’amis sur qui nous pouvons compter à 100 %, c’est très relaxant. Aucune conversation par Skype ne peut le remplacer. L’aventure à l’étranger continue bien sûr, mais nous pouvons compter seulement sur nous-même.
Dans le processus, nous devons renoncer à de nombreuses illusions sur nous-mêmes, mais aussi sur notre nouvel entourage. D’autre part, nous nous reconnaîtrons mieux et grandirons émotionnellement.
Chacun de nous a grandi dans une certaine culture et en déménageant dans un autre pays, nous perdons nos marques habituelles. Il est très difficile de trouver un groupe social pleinement conformant à nos valeurs. La différence est trop sensible. Chaque culture a de nombreuses étiquettes qui ne peuvent pas être expliquées à un étranger. Lorsque nous rencontrons avec l’incompréhension profonde apparaît un sentiment accru de solitude.
Comme c’est génial quand nous venons dans une ville étrangère et que nous croissons une personne passant à vélo en écoutant «Groupe de sang» de Tsoi (Un légendaire chanteur russe). En ce moment, nous comprenons que nous ne sommes plus tout seuls ici, parce que la personne qui écoute Tsoi n’est pas seulement un Russe inconnu, il est notre âme sœur parmi les étrangers.
Il faut savoir et accepter que nous ne serons jamais l’un des leurs. Quoi que nous fassions, nous resterons toujours ces «étrangers bizarres ». La chose la plus courante à laquelle nous sommes confrontés est le préjugé. La motivation qui sera prescrite pour nos actes les plus innocents pourra être gravement déformée.
Tout ce que ne rentre pas dans les cadres habituels de cette nouvelle culture, peut être considéré comme un manque de respect de notre part. Et nous ? Nous avons essayé juste d’être nous-même…
Chaque jour à l’étranger nous sommes obligés de résoudre des problèmes, donc nous n’avaient aucune idée auparavant. C’est la vie à la limite de nos capacités et il faut beaucoup de temps pour s’y habituer. Pour moi, par exemple, un appel téléphonique normal pose toujours un problème. Je dois surmonter une énorme résistance interne pour y arriver. J’espère toujours que cela deviendra plus facile avec le temps.
Des études psychologiques suggèrent que le niveau de stress dû à l’immigration atteint un maximum de 100 points (à titre de comparaison, les décès d’êtres chers sont estimés au même niveau).
La vie dans un autre pays pendant une longue période change une personne pour toujours. Que nous le voulons ou non, mais c’est un processus que nous ne sommes pas capables de contrôler.
Nous ne serons plus jamais les mêmes, les horizons s’élargiront, notre vision du monde changera, une ligne claire entre le normal et l’étrange disparaîtra. Ce qui est considéré comme normal dans un pays est inacceptable dans un autre, et ce n’est pas toujours facile à accepter. Mais au fil du temps, la tolérance apparaît et la compréhension qu’il est impossible d’attendre un comportement habituel pour nous d’une personne qui a grandi dans une autre culture. À ce moment, nous commençons juste à prêter plus d’attention au choix de notre entourage. Les fausses «bonnes personnes» disparaissent, laissant la place aux personnes à l’esprit ouverte et prêtes de mieux nous comprendre, plutôt que de nous juger.
La vie dans un autre pays est une expérience inoubliable qui nous permet de dépasser nos frontières habituelles, de développer de nouvelles compétences et d’acquérir de nouvelles habitudes.
Chaque voyage est une nouvelle petite vie. Ayant visité un pays, il est déjà difficile de s’arrêter, de nouveaux horizons appellent à de nouvelles aventures …
Cet article participe à l’évènement inter-blogueurs “comment le fait de vivre dans un autre pays que le sien a-t-il impacté votre vie ?” organisé par Machiko et Laurent du Blog :
apprendrelejaponais-decouvrirlejapon
Super bien expliqué ton article 😉 j’ai participé aussi à ce carnaval ça serait avec grand plaisir d’échanger ! Bravo !
Merci beaucoup, Marion,
Je vais voir ton article !
Au plaisir également
Article récent de Oxana P…TROP D’INFORMATION DÉGRADE NOTRE CERVEAU ? Time to speak…
J’ai aimé cet article moi qui suis française expatriée au Brésil. On sent le vécu dans ton texte
WOW Brésil ! J’ai entendu beaucoup de bien de ce pays ! Exotique et en même temps très amicale ! Et que la fiesta continue ! Bravo pour le courage d’aller si loin !
Merci pour cet article qui représente assez bien la vie d’expat…!
Et clairement partir au Japon après avoir étudié la langue et la culture de longues années m’a confrontée à mes propres limites. Et comme tu le dit dans ton article, les gens n’ont pour la plupart pas envie de prendre le temps d’aider quelqu’un qui comprend la langue.
A cela s’ajoutent les vendeurs qui t’écoutent qu’à moitié ou ne t’expliquent pas tout même quand tu parles leur langue… Et je pense aussi que les gens sont beaucoup moins enclins à accepter tes défauts juste parce que tu es étranger.
Bref, heureusement qu’il y a de bons côtés pour contrebalancer tout ça. Peu sociable de base, heureusement que je connaissais quelques personnes sur place !
Bon courage !
Merci, Mélanie, de partager ton expérience ! 🙂
Je pense que bien connaître la langue et la culture à l’avance peut être très utile. Dans ce cas, on se sent un peu moins perdu et on comprend mieux ce qui se passe autour de nous.
Malheureusement à mon arrivée en France, je parlais encore si peu et je ne pouvais pratiquement pas écrire. Je connaissais beaucoup de vocabulaire, mais je me suis vite rendu compte qu’en pratique cela ne suffisait pas !
Je me souviens encore de ma première expérience dans une pharmacie lorsque j’ai essayé d’expliquer avec un dictionnaire ce dont j’avais besoin. Sans résultat ! 🙂
Quant à nos défauts : il me semble que ce n’est pas parce que nous sommes étrangers, mais plutôt à cause de la différence de mentalité. De L’incompréhension que les standards de comportements de chaque culture sont complètement différents. J’ai remarqué que ce fait est souvent associé aux personnes qui voyagent peu elles-mêmes. Et de leur incapacité de se mettre à notre place.
On peut paraître impoli, sans l’être. Tout simplement, parce qu’il n’est pas accepté dans ce milieu et mal «traduit».
Nous avons deux options à ce moment : Renoncer à nous-même, à nos habitudes, à notre liberté de choix en se pliant sous les exigences sociales et perde notre authenticité en nous mettant dans le cadre.
Ou devenir un introverti involontairement. Le prix à payer pour sauvegarder notre personnalité, nos valeurs et le privilège rester soi-même. En choisissant cette option, nous gardons un petit cercle d’amis proches, ceux qui nous acceptent tels que nous sommes, sans tenter de nous transformer.
Bon courage à toi également